5. MON RECIT DE CETTE AVENTURE...
1 AVANT LE DÉPART...
À l'hôtel le Samedi soir, impossible de s'évader de Paris Brest Paris : il y a des cyclos partout, dans le sous-sol, les ascenseurs, les salons de l'hôtel... Que des étrangers, souvent volubiles et décontractés, plus épicuriens que sportifs ascètes, en témoigne la consommation de rosé ! Ils sont en France et en profitent !
Un car énorme devant l'entrée, dévolu à un groupe de Danois. Un véritable hôtel ambulant... devant un hôtel !!!
Nous dînons dans une pizzeria à proximité et il y a des cyclos à toutes les tables... On joue à deviner lesquels sont plus âgés que moi..., la minorité quoi !
Au petit déjeuner le Dimanche matin, les responsables de l'hôtel sont débordés : le salon des petits déjeuners est une ruche, il n'y a plus de pain et certains aliments sont rares. On le saura après : certains y sont depuis 6h30 et leur petit déjeuner a duré, duré... De véritables hamsters stockant leurs réserves !
Je vais me reposer dans la chambre pendant que Claudie va chercher Vincent à la gare.
Tout est prêt avant de partir déjeuner : 1 sac pour tout ce que je dois avoir sur moi et sur le vélo, 1 autre pour tout ce dont je pourrais avoir besoin aux étapes et qui restera dans la voiture, et bien sûr 2 glacières.
Je pars en autonomie car Claudie puis Laurence ne devraient me retrouver qu'à Fougères.
Pour le déjeuner, nous décidons de nous extraire de l'ambiance (et de la pression...) de Paris Brest Paris. Nous trouvons une brasserie à Maurepas. Nous observons les looks des clients : c'est bon, il n'y a pas de cyclos !
Nous revenons à l'hôtel pour prendre le vélo, remplir les sacoches et le mettre dans la voiture. Je me mets en tenue et nous partons vers Rambouillet. Je conduis, pour être actif et ne pas penser...
Aux abords de Rambouillet, il y a des voitures et campings cars partout... Je me gare à l'arrache ! Nous sommes loin de la Bergerie nationale, 3 à 4 km... Claudie et Vincent sont à pied et moi en vélo. Je fais des allers retours pour repérer les lieux. Il y a peu d'indications sur le lieu de départ, on suit le mouvement. Après l'entrée de la Bergerie, un bénévole nous renseigne : il faut marcher encore beaucoup pour atteindre les sas de départ...
Après repérage, on se pose pour boire coca, jus de fruit, bière (pas pour moi !) Nous sommes en milieu d'après midi et nous rejoindrons les sas vers 19h. Va falloir tuer le temps... et impossible de faire la sieste...
Ce qui n'est pas le cas d'un cyclo à côté de nous ! Voyant un 56 sur sa casquette je lui demande s'il vient du Morbihan. Pas du tout !!! C'est un Américain qui vient de faire début Août une rando de 4000 km !!! Après recherche, il s'agit de la "Transcontinental Race", course de 4 000 km en autonomie complète entre la Bulgarie et Brest !!! Le vainqueur (une allemande) a mis 10 jours et 2 heures... Et cet Américain vient faire Paris Brest Paris dans la foulée... Ils sont fous ces Américains ! Au fait, merci à Vincent d'avoir servi d'interprète...
L'heure approche et le ciel se couvre : je décide de m'équiper dès le départ en mode nuit.
Nous nous approchons vers 19h des sas de départ organisés par lettre de plaque : pour moi la lettre S. Je n'ai toujours pas allumé mon compteur GPS Garmin pour économiser la batterie... Ce sera l'outil le plus pratique pour faire connaître ma position... Ah ! si j'avais su ce qui allait se passer... (voir plus bas).
Peu avant 20h mon sas se met en mouvement pour aller vers le pointage des carnets de route juste avant le départ. Je veux allumer mon Garmin qui se bloque... Je m'énerve, essaie de repartir à zéro en l'éteignant, rien n'y fait ! Avant l'arche de départ Vincent vient m'aider à le débloquer mais toujours rien... Je ferai sans Garmin, grrrr... Et mes fans n'auront des points de situation que lors des pointages, donc suspens garanti !
J'entends Claudie crier "Allez mon Didou !" et je passe sous l'arche de départ : il est exactement 20h16, c'est parti !
2 LES 100 PREMIERS KM : PHYSIQUE OK, MORAL KO...
L'énervement du départ dû au mauvais fonctionnement du Garmin a créé de la crispation et ma nuque me chatouille... Et j'ai 1220 km à faire !!!
S'ensuit une perte de moral alors que les jambes vont bien... Je suis dans le registre : "Comment je vais faire pour aller au bout ?". Bizarrement cela se traduit par une volonté d'aller vite en suivant des groupes qui roulent bien : les 58 km de RAMBOUILLET à SENONCHES sont parcourus à 28,8 km/h de moyenne ! C'est la partie la plus plate et on peut s'abriter facilement dans les roues car la masse des cyclos n'est pas encore disséminée, mais quand même...
Dans ma tête : "je ne vais pas aller au bout, autant aller vite le plus loin possible", raisonnement stupide ou suicidaire ou les 2...
Et surtout, je ne suis pas du tout dans le ICI ET MAINTENANT mais dans le LA-BAS ET DEMAIN !!! Une pensée m'obsède : "et ben, je vais avoir bonne mine d'annoncer mon abandon à tous ceux qui me suivent... Pourquoi j'ai relancé mon blog, j'aurais mieux fait de rester discret, voire secret... tout ce ramdam pour abandonner assez vite...". Je me projette même dans les explications que je vais donner : "j'ai mal dormi les nuits précédentes, j'ai mal géré l'attente, mon mal de nuque s'est réveillé tôt et puis l'âge est là etc...". Bref, le pensouillard négatif de mon cerveau est très actif !
Ce pessimisme va être prégnant pendant les 100 premiers km...
La bascule vers plus de sérénité va venir de 2 choses : je constate d'abord que le mal de nuque n'empire pas, voire s'atténue. Je fais des exercices d'étirement, avec alternativement une main sur le casque, je décrispe et abaisse les épaules et fait quelques moulinets.
Et surtout, je me dis que c'est pas possible de décevoir ainsi ceux qui me soutiennent... Certains y croient plus que moi et je vais leur faire çà ? S'ensuit une sorte de coup de pied au c... mental : "Tu t'es préparé mentalement et dès le début tu oublies tout ? Tu devais être constamment dans le ICI ET MAINTENANT, et tu n'arrêtes pas de te projeter ! Tu devais te concentrer sur toi et tu te demandes sans cesse comment tu vas expliquer ton échec aux autres !".
Je reviens donc aux fondamentaux : ICI ET MAINTENANT, étape par étape, fixer mon attention sur ma respiration si des idées négatives reviennent etc...
3 L'OPTIMISME REVIENT... AVANT MORTAGNE
J'arrive à Mortagne à 1h31, c'est seulement un point d'accueil à l'aller. Il y a des files impressionnantes de cyclos partout : pour les toilettes, le ravitaillement en nourriture et eau etc... On perd du temps à ranger son vélo, à retirer ce qui pourrait être volé, à mettre l'antivol...
Je repars 37' plus tard (et oui, au début j'ai noté mes heures d'arrivée et de départ) en ayant conscience que c'est un arrêt assez inutile et que j'aurais mieux fait de trouver un coin tranquille pour une petite sieste... Mais l'essentiel est que la 1ère étape est atteinte.
RAS jusqu'à Villaines la Juhel (km 217) si ce n'est quand même une certaine impatience par rapport au lever du jour, avec aussi une note positive : je me sens beaucoup plus frais qu'en 2015 au même endroit...
Mais là aussi, trop de temps perdu : je suis arrivé à 6h37. J'ai mis mon vélo au parc dédié, mis l'antivol, enlevé ce qui pouvait être volé, fait pointer mon carnet de route, je suis passé par les toilettes, j'ai rempli mes bidons, j'ai renoncé au petit déjeuner sur place du fait de l'attente, je suis sorti du contrôle à 6h55 avec une surprise : le tapis pour enregistrement de la puce était à la sortie... d'où une arrivée enregistrée bien après l'arrivée réelle...
J'ai trouvé un bar à la sortie pour prendre un café et un coca plus une barre Lion (plus de viennoiseries). Au final, j'ai quitté les lieux à 7h37 avec encore le sentiment que l'arrêt avait été trop long... La moyenne horaire et le temps total pâtissent de ces longs arrêts...
J'ai quand même fait un petit selfie...
Dans le même café, un couple de japonais pratique la sieste assise et masquée...
Sur la route, reçu un message de Claudie qui me dit qu'elle me verra à Gorron. Je lui réponds que je prendrais bien de l'arnicalm pour ma nuque.
Un petit arrêt à Lassay les châteaux à 9h10 et j'arrive à Gordon avant 10h30. Claudie est là, je m'allonge pour une petite sieste de 10 minutes avec la nuque sur le coussin d'acupression. Elle trouve que je suis bien et décontracté... Après un petit en cas je reprends la route...
4 LA ROUTE EST UN LONG FLEUVE TRANQUILLE... JUSQU'À LOUDEAC !
Sur la route de Fougères RAS, le moral est bien en place. A ce contrôle je perds moins de temps (25' d'arrêt).
Pendant ce temps, Claudie est allée chercher Laurence à la gare de Rennes. Désormais, j'aurai 2 assistantes, dont une photographe attitrée !
En route vers TINTENIAC je fais une pause café à St Hilaire des Landes. La route me paraît longue ensuite du fait d'une erreur sur le road book qui indique 29 km entre St Hilaire et TINTENIAC. En fait Il y en a bien plus...
Avant Tinteniac, je loupe Claudie et Laurence et je vais au contrôle qui se passe sans perte de temps : tout est plus facile de jour.
Je retrouve mes assistantes à la sortie de Tinteniac et prends un goûter vers 16h30 avec comme objectif d'atteindre LOUDEAC en début de nuit.
Je m'arrête tout de même au point d'accueil de QUEDILLAC et je fais bien : pas de file d'attente au coin restauration si bien que je peux manger un plat chaud, des pâtes bien évidemment...
Je profite d'une petite averse pour m'arrêter sous un porche de mairie (Médréac ?) et faire une sieste de 10 minutes,
Désormais l'objectif immédiat, mais aussi la récompense,ce sera Loudeac : récompense car je prévois de dormir 3 heures durant cette seconde nuit. Je pointe à LOUDEAC à 22h37. Parfait pour prévoir un sommeil réparateur.
Très bien organisés, les dortoirs ! On vous attribue un emplacement auquel est associé une heure de réveil et quelqu'un vient vous taper (délicatement...) sur l'épaule à l'heure dite...
Le dortoir de LOUDEAC, c'est çà...
Je me couche à 23h avec un réveil programmé à 2h du matin. Le réveil, c'est un moment crucial : lorsqu'on vient vous taper sur l'épaule, vous émergez difficilement (seulement 2 "cycles" de sommeil...) et si vous êtes trop fatigué ou trop las, la tentation est forte de ne pas se lever tout de suite... Cela n'a pas été mon cas mais je ne savais pas encore ce qui m'attendait pendant le reste de la nuit...
Une petite photo souvenir du tableau dortoir avec les bénévoles, après le réveil...
Il est 2H33 !
5 LOUDEAC CARHAIX, LE FRIGO DE PARIS BREST PARIS !
Avant même de monter sur le vélo, on ressent le froid très humide... Et je n'ai pas du tout anticipé cela... Pas de sous-vêtements hiver, pas de bandeau cache oreilles, ni de tour du cou... car la 1ère nuit n'a pas été froide.
En plus, de LOUDEAC à ST NICOLAS DU PELEM, c'est une des parties les plus difficiles du parcours : 40 km pour 542 m de dénivelé... Je me souviendrai des bosses de Trévé, Grâce-Uzel, Merléac...
Entre 3H et 4H du matin, je me suis arrêté comme d'autres à un ravitaillement sur le bord de la route pour prendre un café chaud : chapeau à ces particuliers qui offrent à boire et à manger sur le bord de la route 24h sur 24h, avec beaucoup de chaleur humaine. Nous étions une dizaine, il faisait froid (3° paraît il), il n'y avait pas un mot... Et la jeune fille de la famille qui nous servait, coiffée d'une chapka à oreilles de Mickey, et pourtant frigorifiée... Regrets éternels de ne pas avoir fait de photo et de ne même pas savoir où c'était...
Arrivé à ST NICOLAS DU PELEM, je n'ai qu'une envie : me mettre au chaud... Avant le point d'accueil, des bénévoles nous informent qu' un contrôle secret y est organisé (on doit donc faire pointer notre carnet de route). Ceci fait, je veux dormir un peu, pas parce que j'ai sommeil mais parce que je ne veux pas affronter le froid de la fin de nuit... Le bénévole au pointage me précise que je risque d'être juste au contrôle suivant à CARHAIX. Tant pis, je m'inscris au dortoir pour 25 minutes.
NB : sur les horaires limite des points de contrôle il y a une véritable ambiguïté, certains bénévoles nous présentent ces horaires comme impératifs et d'autres nous disent que ce n'est qu'indicatif. Ce qui compte pour ces derniers c'est de finir en moins de 90 heures... Dans le doute, il vaut mieux donc essayer de les respecter au maximum.
Quand je repars vers CARHAIX, il fait un peu moins froid et surtout il fait jour. La pause m'a fait du bien et je pointe à CARHAIX à 8H19 pour un horaire limite à 8H45... Un constat : sur la route, je rattrape le retard ou même je me crée des marges. Ce sont les arrêts qui me plombent... Donc à BREST, va falloir que je gère mieux. Je pense déjà que je ne pourrais pas aller chez Mathieu.