10 APRES FOUGERES, LA CROISIERE... A VILLAINES LA JUHEL, LA CRUELLE... ET A MORTAGNE, LE SORT S'ACHARNE... (modifié le 11/9)
Quand je repars de FOUGÈRES, je me dis qu'il y a un grand pas de fait... Malgré mon pépin mécanique, je suis toujours en dessous du temps limite. En gérant bien mes arrêts et en me redonnant des marges sur la route çà devrait le faire...
Physiquement
et mentalement,
je suis en assez
bonne forme.
Pas de souvenir particulier sur la route de VILLAINES LA JUHEL... Sauf à l'arrivée ! Je range le vélo et je vais pointer et je ne vois ni Claudie, ni Laurence... Il est 20H40...
Je téléphone à Claudie :
- " Vous êtes où ?
- Il y a un problème avec Laurence...
- ???
- Nous avions peur de te rater, elle s'est un peu précipitée et elle a fait une chute sur le trottoir, à cause d'une goulotte de protection de câbles. Ayant les mains occupées, elle n'a rien pu faire et est tombée face contre terre...
- Vous êtes où ?
- Sur le trottoir en face du bâtiment restauration. Elle est sonnée, elle est prise en charge par les secouristes mais ils ont appelé les pompiers car il y a sans doute fracture du nez".
Mon cerveau ne sait pas tout de suite définir les priorités... Que faire ? Je m'inquiète pour Laurence, je vais sur place et la vois sous une couverture de survie entourée par les secouristes.
Dans l'attente d'avoir des nouvelles et sur le conseil de Claudie je vais manger au self dans une ambiance sonore épouvantable : le self est ouvert au public et aux cyclos dans une salle hyper bruyante... Je vois une file d'attente mais la priorité est donnée aux cyclos pour le service.
Par la suite, je vais à pied avec mon vélo rejoindre Claudie qui est à la sortie avec les sacs. Elle a été aidée par 2 femmes de rencontre qui suivent aussi la rando. L'une d'elles a déjà fait Paris Brest Paris en 89H45...
Je suis perturbé, énervé : je ne sais pas ce que je veux, par où commencer, que prendre pour la nuit, rester dormir là où bien le faire sur la route... Et je me dis que je me suis arrêté trop longtemps...
Je repars vers 22H avec plein de choses dans la tête... en particulier que Laurence ne va pas pouvoir continuer car elle est à l'hôpital (quelle déception !).
Hôpital Nord Mayenne
La priorité : trouver un endroit pour dormir 20 minutes. En retrait de la route, je trouve un endroit pour poser mon vélo et pour m'allonger. Je prends le nécessaire sur le vélo et je m'allonge dans l'herbe... pas longtemps ! Avec la rosée, c'est très humide et je n'ai pas amené la couverture de survie avec laquelle on peut dormir partout... Donc je remets tout en place et je reprends la route...
Il faut chercher un endroit dans un village pour dormir un peu. À Sougé-le-Ganelon, il y a une fête avec de la musique. Je demande s'il y a un endroit un peu abrité où je pourrais dormir. On me dit que plusieurs cyclos ont déjà dormi dans un préau derrière la fête sur une banquette. Je pose la question du bruit à laquelle on me répond que c'est à 100 m et qu'on entend moins...
Je vais donc m'installer et je m'allonge... C'est intenable vu le volume de la sono : je réinstalle tout et je pars plus loin... Que de temps perdu...
Après coup, j'enrage car j'avais oublié que j'avais avec moi des boules Quiès !!!
Un peu plus loin je trouve un autre cyclo et on discute un peu. On s'arrête à un ravitaillement spontané sur le bord de la route et on décide de faire un petit somme de 20 minutes un peu en retrait.
Au réveil, un peu désolés que les gens tenant le ravitaillement aient levé l'ancre, nous reprenons la route.
On roule ensemble en discutant un peu. Je lui demande comment il s'appelle : il me répond Thomas. Est-ce la nuit ou une moindre attention parce qu'on discute, toujours est-il que je vois trop tard une cyclo arrêtée au milieu de la route. Et vlan ! me voilà par terre !!!
En me relevant, je l'engueule et comprends que c'est une anglophone et qu'elle s'est arrêtée soudainement parce que sa chaîne a déraillé et s'est bloquée. Heureusement, j'ai freiné et je suis tombé presqu'à l'arrêt. Ni bobos, ni casse, seulement mon éclairage avant qui s'est décroché...
Un nouveau cas de conscience : on ne va pas la laisser là sans rien faire, même si on court après le temps limite... Avec Thomas, on essaie à tour de rôle de débloquer sa chaîne qui est coincée entre le cadre et le pédalier. On la prend à pleine main et on tire fort mais rien n'y fait... La chaîne ne bouge pas d'un pouce (anglais !!!). Chacun essaie plusieurs fois, en vain...
Il est entre 2H et 3H du matin et il y a quand même des voitures qui passent. Je fais des signes en criant qu'on a besoin d'aide et bingo ! une voiture s'arrête ! Le gars qui descend dit "Laissez moi faire, je suis mécanicien vélo...". Incroyable ! Il faut l'avoir vécu pour le croire !!!
Il essaie à son tour avec la même méthode que la nôtre mais n'y arrive pas non plus... Il visualise un ergot qui coince. Avec bienveillance, il dit à la cyclo : "On ne va quand même pas vous laisser passer la nuit là...". Il a besoin d'un outil pour résoudre le problème. D'autres voitures se sont arrêtées et devant la détermination du gars, on se dit qu'elle est entre de bonnes mains et qu'on peut reprendre la route.
Cet incident a dû nous coûter approximativement 15 à 20 minutes...
Un peu plus loin, j'ai heurté un autre cyclo à l'arrêt que j'ai vu trop tard ! C'est quoi cette manie de s'arrêter sans se mettre sur le côté de la chaussée ??? Cette fois, je ne suis pas tombé et je n'ai pas râlé, Thomas m'ayant dit qu'il l'avait vu avant moi sans avoir le temps de me prévenir...
Sauf que très vite après ce choc, je constate que ma lumière avant pique du nez puis tombe carrément, seulement retenue par le câble la reliant à la batterie. Je m'arrête et crois la refixer... Un peu plus loin, çà recommence, je refais la même chose. Et rebelote, elle retombe plus loin. Et cela plusieurs fois jusqu'à ce que je me rende compte qu'en la repositionnant à chaque fois je n'ai pas appuyé sur le bouton permettant de la maintenir fermement au bout de son support...
Et dans l'histoire, je ne sais plus où est Thomas. Dans un premier temps, je pense qu'il est derrière après une côte et je m'arrête pour l'attendre. A chaque cyclo qui passe, je demande "Vous êtes Thomas ?". Précision importante, je ne sais pas si c'est son prénom ou son nom... Et avec nos chasubles de nuit très ressemblantes et nos casques, difficile d'identifier chacun.
Je pose la question plein de fois en me disant qu'on va me prendre pour un fou... mais je me crois aussi dans la bande dessinée "Où est Charlie ?" dans laquelle on cherche à trouver Charlie parmi de multiples personnages. Complètement décalé et surréaliste !!!
Je finis par abandonner l'idée de le retrouver. Il devait être devant et avec mes multiples arrêts il a dû prendre de l'avance.
Après coup, j'ai trouvé son identité sur le site de Paris Brest Paris. Thomas est son nom.
Et j'ai constaté que j'avais pointé :
- 20 minutes avant lui à MORTAGNE
- mais 20 minutes après lui à DREUX
- et 30 minutes après lui à RAMBOUILLET !!!
Tout çà sans le voir !!!
Mais au final, comme il était dans un groupe parti plus tôt, on a quasiment le même temps : j'ai mis 25 secondes (sur 90 heures....) de plus que lui !!!
2 semaines après PBP, j'ai réussi à le contacter via le club indiqué sur le site internet de PBP ! Je croyais qu'il était ardéchois car on a parlé de la rando l'Ardéchoise. En fait, il est Aveyronnais. Il ne sait pas ce qu'est devenue l'Anglaise mais a cru l'apercevoir sur son vélo plus tard...
Et si je l'ai perdu, c'est parce qu'il s'est trompé de route puis a fait demi tour après avoir constaté son erreur. Il n'a pas dormi à MORTAGNE ce qui explique qu'il soit passé devant. Il m'a dit qu'il avait fait quelques pauses entre les points de contrôle.
Je m'arrête à un ravitaillement tenu par un club avec le besoin de parler un peu de mes déboires. Je prends un café et j'y apprends une bonne nouvelle : compte tenu que le vent a été défavorable à l'aller et qu'il a ensuite tourné, les organisateurs auraient décidé d'homologuer tous les cyclos en dessous de 92 heures et non 90.
Aussitôt reparti, j'ai un doute : ce n'est peut-être qu'une rumeur. Je vais faire comme si çà n'existait pas.
Ne voulant pas rouler trop près du côté droit de la route (pour éviter les surprises...), je me dis que je ne dois pas me rapprocher trop de la ligne blanche du milieu de la route.
Et mon envie de dormir me joue un drôle de tour : une hallucination ! Je vois au milieu de la route un mur blanc !!! Mon cerveau fatigué fait du zèle avec la consigne... Je me secoue un peu et pense pouvoir tenir jusqu'à MORTAGNE.
Il y en a d'autres qui ne sont pas mieux : je rattrape un cyclo roulant complètement à gauche ! J'imagine que c'est un anglais pas trop lucide... Avec mon anglais sommaire, je lui crie :"Not on the left side, it's dangerous ! Go to the right side !!!". J'ai dû lui crier cela 3 fois au moins avant qu'il se rabatte sur la droite.
J'arrive à MORTAGNE à 5H20. Je pointe et demande confirmation au bénévole qu'un peu de retard à un contrôle intermédiaire n'est pas pénalisant si on finit sous les 90 heures. Pas de chance, je me trompe sur mon horaire limite à MORTAGNE et je lui dis 4H (au lieu de 4H48), et là il me dit que 5H20 par rapport à 4H, çà fait beaucoup de retard... Je lui fais part de mes déboires depuis VILLAINES LA JUHEL... mais on en reste là. Je vais faire comme je pourrais et on verra bien au final...
Malgré mon retard, je décide quand même de prendre 1h30 de sommeil dans le dortoir, car j'ai vraiment besoin de dormir.
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